Energies

Le marché européen de l’énergie pour l’électricité et le gaz naturel est libéralisé dans la plupart des pays européens depuis 2008. Cette libéralisation a créé les conditions nécessaires à l’entrée de nouveaux fournisseurs sur le marché. Elle a aussi instauré un environnement concurrentiel qui était censé mener à une réduction des prix de l’énergie et améliorer la qualité des services fournis. Est-ce réellement le cas ?

La libéralisation du marché de l’électricité en Europe

Récemment, la CLCV, association visant à la protection du consommateur, pointait du doigt les faillites de la libéralisation de l’énergie en France. Arguant que celle-ci n’avait pu se faire avantageuse, au final, pour les clients, l’organisme Consommation Logement et Cadre de Vie souhaite revenir à un modèle plus traditionnel, tel que connu par l’Hexagone avant 2007. Ces critiques purent surprendre certains consommateurs ; d’aucuns estimèrent alors que l’étude de pays dans lesquels la libéralisation de l’énergie s’est effectuée depuis plus longtemps permettrait de juger du bien-fondé de pareille démarche, et sous quelles conditions. L’idée d’un dossier portant sur les situations des pays européens et voisins de la France s’imposa d’elle-même.

Le processus de libéralisation de l’énergie en Europe a commencé en 1996 et a été progressif. Malgré cela, ce chantier n’est toujours pas achevé dans l’Union européenne. De même, il existe toujours une grande différence dans la réglementation des marchés de l’énergie entre les États membres. Le rapport de suivi du marché édité en 2014 fournit une évaluation des progrès réalisés par les pays européens en matière de concurrence sur les marchés de l’électricité et du gaz. Selon le rapport, les pays européens ont encore des cadres réglementaires très différents, notamment en ce qui concerne la réglementation des prix et la protection des consommateurs. Il en résulte des niveaux différents de concurrence sur le marché.

Libéralisation du marché en Allemagne et transition énergétique.

Un parc d’éoliennes en Allemagne, où la libéralisation du marché s’est effectuée depuis plus de 30 ans.

De nombreux pays européens se sont engagés à libéraliser leurs marchés de l’énergie. Le principe directeur est invariablement de favoriser la concurrence entre les acteurs du marché, d’améliorer l’efficacité du marché et d’obtenir des prix plus bas pour le consommateur final. L’objectif final est de créer des marchés à court terme hautement compétitifs constituant un outil central pour l’intégration des énergies renouvelables. Cependant, cet idéal a-t-il vraiment été atteint en Europe ? L’interrogation est légitime. Afin d’y répondre, voici une étude des quelques pays européens ayant déjà libéralisé leur marché de l’énergie.

Depuis 1998, comment se passe la libéralisation de l’énergie en Allemagne ?

Le marché de l’énergie en Allemagne a entamé sa marche vers la libéralisation en 1998. Cependant, alors que cette transformation du secteur prévoyait de nombreux bénéfices, les résultats restent mitigés. En effet, le marché laisse encore une place prépondérante aux grands groupes et la baisse de prix n’a été que de courte durée. Certaines promesses ont par contre été tenues. Les consommateurs disposent désormais d’un large panel de fournisseurs auprès desquels souscrire. De plus, le marché allemand a pu vraiment intégrer les énergies renouvelables à son système de production et de distribution.

Aujourd’hui, les clients allemands ont le choix entre 138 fournisseurs d’après les chiffres fournis par l’Agence fédérale des réseaux à travers son Monitoring de l’énergie de 2020. Sur ce marché occupé par 900 acteurs, les quatre grands fournisseurs, RWE, EnBW, LEAG et E.ON, ainsi que Vattenfall représentent 40% des contrats d’énergie signés par les consommateurs. Des fournisseurs à taille humaine se partagent les 60% restants. Du côté des producteurs, les quatre grands acteurs principaux sont toujours en situation de monopole. Lentement, toutefois, la situation s’inverse. En 2018, ils représentaient 73,9% du marché contre 70,1% en 2019.

En 2000, le gouvernement allemand a voté une loi pour promouvoir les énergies renouvelables. Depuis, de nombreux fournisseurs et producteurs spécialisés dans les énergies durables se sont implantés. D’après plusieurs experts, cela n’aurait pas été possible sans la libéralisation du marché de l’énergie allemand.

liberalisation du marche de l'energie en allemagne

Depuis la libéralisation du marché de l’énergie, la part des énergies renouvelables dans la consommation primaire d’énergie en Allemagne n’a fait qu’augmenter.

Cependant, ce processus de libéralisation n’a pas eu que des effets positifs et du chemin reste encore à parcourir. Par exemple, la baisse de prix promise n’a pas été au rendez-vous. Aujourd’hui, les consommateurs allemands paient 32,05 cts€/kWh, soit près du double par rapport aux clients français.

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Royaume-Uni, Espagne, Italie : une libéralisation de l’énergie appréciée dans les pays européens ?

De nombreux autres pays européens, à l’image de l’Allemagne, ont déjà libéralisé leur marché de l’énergie depuis plusieurs années. C’est notamment le cas de l’Angleterre, l’Italie ou encore l’Espagne. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la majorité des pays membres de l’UE ont réalisé cette transition de manière beaucoup plus rapide et beaucoup plus efficace que prévu.

Six fournisseurs se partagent le marché de l’énergie au Royaume-Uni

En 2000, tout comme l’Allemagne, le Royaume-Uni a ouvert son marché de l’énergie à la concurrence. La première chose que l’on peut noter, c’est que malgré la multitude de fournisseurs induite par la libéralisation du marché, le secteur de l’énergie est toujours soumis à un monopole. En effet, six fournisseurs, les Big Six, s’occupent de fournir de l’électricité et du gaz à 90% des foyers anglais. Ils s’appellent : British Gas, EDF Energy, E.ON UK, npower, Scottish Power et SSE. D’un autre côté, le prix du kWh a aussi augmenté. Par exemple, en 2014, les clients anglais payaient leur énergie 20% plus cher qu’en France.

Des prix au kWh toujours supérieurs à la France depuis l’ouverture à la concurrence en Italie

L’Italie a fermé le pas en 2004 concernant l’ouverture énergétique. Malgré la libéralisation de son marché de l’énergie et de l’ouverture à la concurrence, le secteur est toujours soumis à une situation de monopole. De même, le prix du kWh est supérieur à celui pratiqué en France. Enfin, la production d’énergie renouvelable a aussi augmenté depuis la transition vers un marché libéralisé. Maintenant, on comprend mieux pourquoi la CLCV affirme que la libéralisation du marché de l’énergie en France est une mauvaise idée.

liberalisation du marche de l'energie en italie

En Italie, on remarque aussi une augmentation de la production d’électricité grâce aux énergies renouvelables, même si elle intervient plus tard.

60% du marché accapare par 4 fournisseurs depuis la libéralisation de l’énergie en Espagne

De son côté, l’Espagne s’est fixée comme objectif l’année 2003. La libéralisation du marché de l’énergie connaît les mêmes résultats. Malgré une promesse d’ouverture à la concurrence, il en résulte tout de même une situation de monopole. En 2010, Gas Natural était le premier fournisseur du pays, suivi par Unión Fenosa Gas, Endesa et Iberdrola. À eux seuls, ils représentaient plus de 60% des parts du marché de l’énergie. Enfin, aujourd’hui, les consommateurs espagnols payent leur électricité et leur gaz plus cher.

Que retenir de ce tour d’horizon européen de l’ouverture à la concurrence ?

Les faits sont là : des quatre pays européens et voisins de la France abordés au sein de cette étude, des similitudes apparaissent incontestablement. Il est ainsi important de rappeler que l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne ont ouvert plus rapidement que l’Hexagone leur marché énergétique à la concurrence. Toutefois, aucune de ces contrées ne dispose d’un prix au kWh inférieur à celui proposé en France. Par ailleurs, on souligne l’importance prise par certains grands groupes énergétiques, au détriment de fournisseurs plus confidentiels. Dans une optique plus écoresponsable, il est cependant important de mentionner la prégnance des énergies renouvelables au sein du mix énergétique.

Comme la France avec l’ADEME, ses voisins disposent d’autorités permettant d’aligner la consommation sur des objectifs de transition énergétique. Cela a pour conséquence une production accrue d’électricité ou de gaz verts. Néanmoins, l’impact financier pour le portefeuille des consommateurs est moindre. Est-ce une raison d’être pessimiste quant au devenir de l’énergie française ? La perspective d’importer, plutôt que d’exporter de l’électricité afin de pallier l’inactivité en période de COVID-19 est un signe de solidarité européenne, et peut-être d’alignement sur les forces économiques en jeu. De fait, il est compréhensible que la CLCV puisse demander un retour à un modèle pré-libéralisation de l’énergie.

Hercule, le projet d'EDF contesté car impactant la libéralisation du marché.

Le projet Hercule, visant à séparer les activités d’EDF, est particulièrement contesté.

Après tout, en dépit de l’apparition d’opérateurs énergétiques, EDF détient toujours 80% des contrats d’électricité dédiés aux particuliers. Cette situation de monopole qui ne prononce pas son nom se vérifie aussi dans le partage de la production nucléaire du fournisseur historique, ainsi que dans l’utilisation commune des réseaux d’Enedis, filiale d’EDF. Dans cette perspective, il serait erroné de penser que le projet Hercule n’influencerait qu’EDF; c’est sans doute tout le paysage de l’énergie français qui en serait affecté.

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