Energies

Le domaine de l’énergie est bousculé. La crise sanitaire qui agite depuis la fin d’année 2019 le monde entier montre son impact sur tous les secteurs. Hospitaliers, hôteliers, évidemment, mais aussi le monde des énergies. Entre une demande qui faiblit, des industries qui s’effondrent, et des investissements au plus bas, le secteur voit mal comment se sortir de la crise. Le constat de l’Agence Internationale de l’Énergie, référence mondiale dans le domaine, est mitigé.

Constat de l’AIE : la crise sanitaire a fait beaucoup de mal à l’énergie

Selon une étude effectuée par l’AIE, publiée dans le World Energy Outlook 2020 en Octobre, la demande d’énergie chute de 5% en 2020, comparé à 2019. Plus inquiétant encore pour le secteur : l’investissement de capitaux dans le secteur énergétique devrait chuter de 18% en 2020. Les énergies les plus touchées seraient le pétrole et le gaz naturel, conséquences directes de la crise sanitaire actuelle. La chute d’investissement en pétrole est liée à la baisse de demande estimée. L’AIE table sur une chute de 7% en demande de pétrole, une donnée catastrophique pour les industries pétrolières, déjà mises à mal par la crise. À ce jour, ces industries signalent avoir perdu près de 50 milliards de dollars sur leurs actifs pétroliers.

Alors que les citoyens étaient confinés dans leurs domiciles, pour une grande majorité de pays du monde, la demande en énergie a logiquement chuté. Avec les avions bloqués au sol et les transports terrestres tout aussi limités, les pays pétroliers vivent une chute du cours pétrolier assez importante. Les transports représentent près de 60% des demandes de pétrole : un monde mis sur arrêt, comme il l’a été pour répondre à la crise COVID-19, signale forcément une fracture dans le secteur énergétique.

demande en énergie 2020 contre 2019

« L’impact varie énormément selon la technologie et la source d’énergie. Après une chute de 5% de demandes en énergie en 2020, les énergies renouvelables mènent la relance quand le charbon n’arrive pas à remonter à son niveau d’avant la crise. »

À l’heure actuelle, l’AIE projette difficilement le futur du secteur énergétique. Avant la crise, l’Agence Internationale de l’Énergie estimait une augmentation de 12% sur la demande énergétique entre 2019 et 2030. Aujourd’hui, cette demande a chuté de 5%. Ce bouleversement dans la demande est unique depuis la Seconde Guerre mondiale. Cela incite notamment à envisager différemment l’ensemble des plans et stratégies énergétiques établis pour guider écologiquement le secteur. Pour la première fois, leur étude annuelle fait une projection sur 10 ans, soit jusqu’en 2030.

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La transition énergétique, un rêve désormais impossible ?

Pour l’AIE, cette chute en investissement est doublement problématique. Elle inquiète de fait quant aux possibilités d’investissements dans les énergies renouvelables ou dans l’effort de transition énergétique. Les experts insistent ainsi sur la différence entre des émissions carbones faibles, dues à un ralentissement économique, et une stratégie écologique. C’est la dernière qu’il faut privilégier. Aucune certitude n’existe, toutefois, sur un potentiel effet positif de la crise sanitaire sur l’impact environnemental.

À court terme, l’enthousiasme est cependant de mise à cet égard. Une étude approfondie produite par Nature Climate Change signale une baisse de 17% d’émissions de CO2 en avril 2020, soit au plein cœur d’un confinement mondial. Les spécialistes estiment une moyenne de 7% de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici fin 2020. Selon les calculs de l’AIE, les émissions globales devraient remonter plus lentement qu’après le crash financier de 2008-2009. Difficile toutefois de projeter davantage, tant que des politiques environnementales liées à cette situation exceptionnelle ne seront pas adoptées.

Projection de la population sans énergie électrique en Afrique

Population (en million) sans accès à l’électricité sur le continent africain, entre 2000 et 2020

Plus encore, cette crise à l’échelle globale révèle un creux grandissant des inégalités entre les pays du monde. L’AIE s’inquiète en effet d’une pauvreté mondiale en hausse, qui pousse à une consommation d’énergies plus nocives pour la planète. Ils estiment à 100 millions le nombre d’individus qui ne peuvent plus se permettre des services électriques de base, principalement en Afrique. Ce manque d’accès basique pousse à des utilisations d’énergies fossiles, alors que l’effort général tend vers du carbone zéro d’ici 2050. La transition énergétique devient, avec la crise actuelle, d’autant plus élitiste.

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4 scénarios de l’AIE pour guider les gouvernements dans cette crise

L’AIE ne se contente pas de dresser un tableau du secteur énergétique actuel. Leur rapport cherche surtout à donner des perspectives pour redresser le secteur. Plutôt qu’un regard sur l’année, le World Energy Outlook 2020 fait des projections jusqu’en 2030. Une démarche rendue obligatoire par les estimations basses de relance du domaine de l’énergie. Dans le meilleur des quatre scénarios établis par l’AIE, la demande en énergie ne retrouve les prévisions de 2019 qu’à partir du milieu, sinon la fin, de l’année 2021. Pour une hausse des demandes, cela attendra 2023.

Cette estimation est valable pour le premier scénario réfléchi. Il s’établit autour d’un retour à la normale, sanitairement et économiquement, d’ici la fin d’année. Avec ce scénario, l’Agence Internationale de l’Énergie applique les politiques actuelles décidées par les gouvernements. Une seconde projection envisage une reprise tardive : pas de retour aux prévisions établies en 2019 avant 2023, pour une hausse prévue d’ici 2025 au plus tôt. Ces deux projections ne permettent pas d’atteindre les objectifs écologiques nécessaires en toute tranquillité.

évolution de la demande en énergie

L’AIE établit une projection, pour deux scénarios, de la demande globale en énergie d’ici 2030.

L’espoir écologique de l’AIE tient dans leurs deux derniers scénarios. Le premier envisage une récupération début 2021, en s’appuyant toutefois cette fois-ci sur des politiques environnementales plus agressives. L’AIE est claire : tant que les pays n’aborderont pas la crise actuelle avec un véritable investissement dans les énergies propres, le changement ne se fera pas. Cela ne les empêche pas de créer leur dernier scénario, le Plan Zéro Carbone 2050. C’est leur première projection détaillée pour arriver à cet objectif énergétique. La France a déjà fait un pas vers cet objectif, notamment avec la norme E+C-.

Avec toutes ces secousses dans le milieu de l’énergie, la conscience collective et gouvernementale se trouve elle aussi bousculée. Il n’en tiendra qu’aux industries et gros acteurs de relancer cette demande. Pour mettre à profit les premiers avantages écologiques créés par la crise COVID-19, cette relance devra pourtant se penser en vert.

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