Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, abrégé SREN, est en discussion à l’Assemblée nationale. Certains articles permettent, par exemple, aux autorités administratives de prononcer des sanctions, sans passer par la case justice. Une proposition qui provoque une levée de bouclier chez les défenseurs des libertés en ligne. Des voix s’élèvent pour dénoncer ce qui est perçu comme un dangereux précédent, menaçant la liberté d’expression.
Des mesures pour protéger les Français des contenus dangereux ?
La majorité présidentielle considère qu’il est trop facile d’accéder à des contenus illégaux. Arnaques, contenus choquants, mais aussi harcèlement et haine en ligne : voilà tout ce contre quoi le projet de loi SREN entend protéger les internautes en France. Pour cela, plusieurs dispositions sont sur la table. Elles sont en discussion à l’Assemblée nationale, et le vote doit avoir lieu les 3 et 4 octobre.
Quelques mesures contenues dans le projet de loi SREN :
- l’apparition de messages d’alertes au moment d’ouvrir un lien vers un site frauduleux (messages envoyés par le navigateur internet) ;
- la mise en place du système de double anonymisation pour accéder aux sites pour adultes ;
- un alignement des peines en ligne pour les outrages sexistes et sexuels, et le délit d’entrave à l’IVG ;
- application d’un délai de 24h pour retirer les contenus à caractère pédopornographique signalés par la police aux hébergeurs ;
- instauration d’un droit de déréférencement de l’Arcom, pouvant viser les sites non conformes.
La mise en place d’un pouvoir supplémentaire pour l’Arcom créée un précédent dans le blocage des sites internet. Jusqu’ici, le passage par un tribunal reste une obligation, et les démarches sont toujours judiciarisées. Or le projet de loi SREN pourrait faire sauter cette partie, laissant l’Arcom seule décisionnaire. Deux objectifs ici : simplifier les démarches, mais aussi les accélérer.
Initialement, le projet de loi contenait aussi plusieurs amendements déjà retirés par leurs auteurs. Celui ayant fait le plus grand bruit proposait tout bonnement l’interdiction des VPN pour interagir sur les réseaux sociaux. Un autre député du groupe Renaissance souhaitait pour sa part la vérification d’identité systématique pour la création d’un compte sur ces mêmes réseaux.
Le projet de loi SREN ouvrirait la porte aux abus de censure
Malgré l’allègement du texte sur les propositions jugées les plus restrictives, les opposants ne sont pas rassurés. La Quadrature du Net, association de défense des libertés en ligne, liste ses craintes par rapport au projet de loi SREN. Elle dénonce ainsi la possibilité pour l’Arcom de prononcer des censures administratives de sites internet jugés frauduleux. Les juges ne seront donc amenés à se prononcer qu’une fois l’interdiction effective, et non avant.
Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique arrive à l'Assemblée. Ce texte se dit vouloir réguler Internet dans la continuité de l'Union européenne. En réalité, le gouvernement veut accroître son contrôle sur Internet. https://t.co/GAL2JzO9L5 #SREN
— La Quadrature du Net (@laquadrature) September 12, 2023
Pour la Quadrature, c’est un contournement de la justice. Des députés de la Nupes évoquent aussi des dérives potentielles, en fonction de la définition des sites frauduleux donnée par le pouvoir en place.
Sur la mise en place d’un délit pour non-retrait de contenus pédopornographiques sous 24h, la Quadrature du Net craint un effet de « surcensure ». Les hébergeurs auraient tendance à faire du zèle de blocage par crainte de représailles judiciaires. Le délai de 24 heures est déjà inscrit dans la loi, mais jusqu’ici la qualification en délit systématique n’existe pas en cas de manquement.
Enfin, le projet de loi SREN propose la création d’une peine d’interdiction des réseaux sociaux. Là, c’est l’application de cette peine qui pose question. Difficile de savoir qui est derrière l’écran, puisqu’il est très simple de modifier son adresse IP. Impossible de savoir qui se trouve derrière un écran à un moment précis. À moins d’imposer des contrôles d’identité systématiques en ligne.
Les coupures d’Internet et les restrictions, une tendance mondiale
Les mesures visant à bloquer les sites internet considérés comme frauduleux peuvent donc ouvrir la porte à des abus. À cette heure, aucun pays n’exige des navigateurs web de confiance qu’ils bloquent certaines URL. La France serait donc la première à le faire, ouvrant alors une brèche. Quand bien même l’application resterait raisonnable, d’autres gouvernements moins scrupuleux pourraient s’en inspirer.
Les mesures de blocage font aussi penser à d’autres pays où les autorités sont moins regardantes sur la censure. On pense d’abord à la Russie et la Chine, mais plusieurs pays d’Afrique sont tout aussi prompts à couper Internet. Des pays qui traversent une instabilité politique, notamment au Sahel, ont ainsi pu limiter les connexions dernièrement.
Le collectif Tournons La Page, qui milite pour favoriser les processus démocratiques en Afrique, a dévoilé un rapport inquiétant sur la question. Depuis 2014, le mouvement a constaté des coupures d’Internet dans 34 pays du continent. Cependant, il reste possible de contourner la censure au Sénégal, en Guinée ou même au Tchad, en utilisant un VPN. Cela vaut d’ailleurs pour tous les territoires où les accès à Internet sont restreints.
C’est justement la plus grande limite du projet de loi SREN. En dépit de toutes les interdictions, qu’elles visent des sites internet ou des utilisateurs, il n’est pas possible de mettre en place un blocage absolu. Les VPN permettent toujours de contourner les restrictions et de rester anonyme en ligne.
Une telle loi pourrait d’ailleurs bien pousser les internautes français à se tourner vers ces solutions, encore plus qu’auparavant. C’est la tendance observée dans tous les pays ayant prononcé des restrictions d’accès à Internet. Dès la première semaine après l’invasion de l’Ukraine, les téléchargements de VPN en Russie avaient bondi de 2 000%.
Toutefois, la France n’est pas aussi avancée dans la répression en ligne que les pays cités ici. Elle ne pratique ni exclusion arbitraire, ni coupures totales ou même partielles d’Internet.
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